Le busard des roseaux n'est
pas un grand migrateur et la majorité de nos oiseaux nicheurs sont sédentaires
et passent l'hiver principalement dans le Centre-Ouest et le pourtour méditerranéen,
accompagnés par quelques oiseaux originaires de contrées plus
orientales. Les populations d'Europe de l'Est sont en fait nettement migratrices
et ne font que traverser nos régions pour aller hiverner de l'Espagne
à l'Afrique tropicale. On ne sait pas vraiment où les oiseaux
du Nord et du Nord-Est de la France, qui désertent ces régions
en hiver, passent la mauvaise saison.
Le retour dans ces secteurs a lieu durant le mois de mars, période de
migration également pour les oiseaux nichant plus à l'est de nos
pays francophones. Les couples débutent leurs parades alors que certains
oiseaux de l'Ouest de la France ont déjà pondu, ce qui explique
que les pontes s'échelonnent jusqu'à la fin avril, voire davantage
pour les pontes de remplacement ou les couples vraiment tardifs. L'incubation
des 4 ufs dure un bon mois et les jeunes volants sont notés dans le secteur
du nid 50 jours plus tard. Suit alors l'erratisme juvénile qui constitue
le seul déplacement des oiseaux dans les régions où le
busard des roseaux est sédentaire, ou une véritable migration
pour nos populations de Suisse et du Nord de la France. La période migratoire
dure de la mi-août à octobre et voit nos pays traversés
par de nombreux oiseaux d'Europe de l'Est et du Nord.
Le busard des roseaux est
un rapace peu commun et assez localisé dans nos pays. En France, on le
retrouve préférentiellement dans les grandes régions d'étangs
et de marais et il est logique que le Centre-Ouest, le Centre, le Nord-Est,
la Camargue, les étangs languedociens et la région des Dombes
accueillent l'essentiel des effectifs nicheurs. Le Nord, la Picardie et la Normandie
ont récemment été colonisés.
En hiver par contre, le quart Nord-Est et le Nord sont désertés
au profit du Centre-Ouest et du Midi de la France.
À l'origine, le busard des roseaux nichait exclusivement dans les zones
marécageuses, marais et roselières d'étangs, qui sont aujourd'hui
encore ses sites de prédilection. Est-ce à cause de la disparition
des zones humides ou à cause de l'essor démographique qu'a connu
l'espèce depuis sa protection légale, que le busard des roseaux
occupe désormais des zones nettement moins humides comme les champs de
céréales et de colza à l'instar des busards gris ? Toujours
est-il que cette colonisation de ce milieu a entraîné un effort
supplémentaire de surveillance et de déplacement des nids par
les équipes de bénévoles des associations de protection
de la nature.
Comme tous les busards, le busard des roseaux est avant tout un rôdeur, arpentant sans relâche son territoire à ras du sol pour la recherche de ses proies favorites, rongeurs bien entendu mais aussi adultes et surtout poussins d'oiseaux d'eau comme les foulques ou les canards. C'est donc un oiseau facile à observer lorsqu'il chasse au-dessus d'une phragmitaie, le tout étant de connaître un étang ou un marais où il a installé son nid. Comme chez les autres busards, durant la période de nidification, vous pourrez alors assister au fabuleux spectacle de passage de proie entre le mâle et la femelle. Lorsque celui-ci a attrapé une proie et la tient fermement dans ses serres, il file d'un vol direct vers son aire et, arrivé à proximité, émet un sifflement pour prévenir la femelle occupée à couver ses ufs ou ses jeunes. Celle-ci s'envole alors et va à sa rencontre et, après s'être positionnée en-dessous de lui, se retourne d'un seul coup, effectuant une pirouette dans les airs, au moment même où le mâle lâche sa proie que la femelle récupère d'un coup de patte précis. Ce spectacle se déroule toujours de la même façon et la synchronisation avec laquelle le couple opère, est à chaque fois un sujet d'émerveillement.
Le mâle de busard
des roseaux avec son plumage tricolore, noir aux extrémités des
ailes, brun et gris sur les parties supérieures, est inconfondable. Il
fait certainement partie, avec le milan royal, des rapaces les plus colorés
d'Europe.
La femelle et le jeune sont brun chocolat uniforme, avec une calotte crème
et le bord d'attaque des ailes de la même couleur chez la femelle uniquement.
Cette dernière peut être confondue par un débutant avec
un milan noir au plumage sombre et également avec un aigle botté
de forme sombre mais les ailes larges, portées en V lorsque l'oiseau
est vue de face, et sa longue queue, confère au busard des roseaux une
silhouette radicalement différente de ces deux autres rapaces.
Comme tous les busards, le busard des roseaux est relativement silencieux. Seul le mâle émet un petit sifflement lors de la parade nuptiale et de ses acrobaties haut dans le ciel, et lors de l'apport d'une proie à la femelle.
Le busard des roseaux,
super-prédateur des zones humides, a longtemps été systématiquement
détruit par les chasseurs qui voyaient en lui - et voient toujours -
un impitoyable destructeur du gibier d'eau et surtout des couvées de
canards qu'ils préfèrent massacrer eux-mêmes au moment de
l'ouverture de la chasse. L'obtention de son statut d'espèce intégralement
protégée a calmé les chasseurs respectueux de la loi, mais
il est clair que le malheureux busard passant trop près d'une hutte de
chasse ou d'un chasseur posté à la tombée de la nuit risquera
souvent d'être victime d'une bavure cynégétique. Ce bafouement
de la loi est encore aujourd'hui monnaie courante dans les départements
côtiers de la Méditerranée, de l'Atlantique et de la Manche
où se concentrent les chasseurs de gibier d'eau les plus extrémistes
et malheureusement les busards des roseaux durant la mauvaise saison.
La protection a néanmoins été bénéfique à
notre plus gros des busards puisque ses populations ont nettement augmentées
jusqu'à la fin des années 1980 où une stagnation, voire
une certaine régression des effectifs a été constatée.
La cause en est vraisemblablement le drainage des zones humides où il
niche qui transforment de vastes marais en champs de maïs inhospitaliers
pour lui. Le développement de la pisciculture extensive dans des grandes
régions d'étangs comme la Brenne et les Dombes, où les
propriétaires n'ont pas hésité à détruire
les grandes phragmitaies qui bordaient ces plans d'eau pour en accroître
la superficie a également privé le busard des roseaux de nombreux
sites de nidification, ce qui explique probablement son repli, à l'instar
du busard cendré, vers les cultures.