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![]() carte de répartition (cliquez sur la carte) |
Sédentaire parmi les sédentaires, la chevêche d'Athéna reste sur son territoire tout au long de l'année. Comme la plupart des couples sont formés depuis le début de l'hiver, c'est donc précocement, dès la fin février et jusqu'en avril, que les mâles chanteurs se répondent au crépuscule et durant toute la nuit. La ponte de 4 oeufs est déposée entre la mi-avril et début mai dans un trou d'arbre, une cavité rocheuse, un bâtiment ou un nichoir. L'incubation dure 28 jours et les jeunes s'envolent à l'âge de 4 à 5 semaines. Cette espèce n'effectue qu'une seule ponte. Seul un erratisme juvénile est noté chez cet oiseau qui ne sait pas ce que signifie le mot migration
Dans bien des régions de
France, de Belgique, de Suisse et du Luxembourg, la chevêche
est le plus petit des rapaces nocturnes. Présente dans
ces quatre pays, elle fait partie des 4 espèces les plus
communes, avec le hibou moyen-duc, l'effraie des clochers et la
chouette hulotte. Dans tous ces pays, des diminutions importantes
des populations de chevêches ont été notées
ces trente dernières années.
En France, la chevêche est notée nicheuse à
peu près partout ; seules la Corse, les grandes zones boisées
des Landes et les zones montagneuses ne l'hébergent pas.
Dans une grande partie de nos régions, la chevêche
est un des oiseaux typiques des zones de bocage où prédominent
les vieux arbres creux où elle élèvera sa
nichée et les prairies si possible pâturées
où elle viendra chasser. Vieux vergers de pommiers, allées
de saules têtards mais aussi cabanes de jardin abandonnées
à la périphérie d'un village sont des sites
privilégiés pour sa reproduction. Dans la zone méditerranéenne
où elle est encore commune, elle niche dans les cabanes
de bergers, les tas de pierres comme en Crau ou même des
cavités naturelles dans des falaises. En l'absence de cavités
convenables, elle accepte volontiers le nichoir spécialement
étudié pour elle que vous avez pris soin d'installer
hors de portée des prédateurs comme la fouine. La
chevêche fuit les massifs forestiers et la montagne mais
elle ne craint pas de vivre à proximité de l'homme
au coeur d'un village ou même dans un parc public en pleine
ville.
Entendre les notes plaintives de la chevêche dans la nuit noire est une chose relativement aisée mais observer l'oiseau est une tâche bien plus ardue. Néanmoins, si vous avez réussi à repérer l'endroit où elle niche, il suffit de vous poster à proximité et d'attendre tranquillement la tombée de la nuit. Vous la verrez quitter son gîte de son vol fortement ondulé dès que le soleil aura disparu à l'horizon. Parfois même vous l'observerez en train de prendre un bain de soleil car elle ne craint pas de se montrer en plein jour. Elle est, après le hibou des marais et la chevêchette d'Europe, notre rapace nocturne le plus diurne.
La chevêche d'Athéna possède un régime alimentaire assez varié qui prend en compte toutes les proies animales disponibles selon les saisons sur son territoire. Si les gros insectes sont évidemment consommés durant la belle saison, les rongeurs le le sont toute l'année sauf lorsque la neige les rend invisibles à la surface du sol. Les vers de terre représentent une part importante de son alimentation, surtout lors de nuits pluvieuses et les oiseaux sont également capturés à l'occasion.
L'identification de la chevêche
d'Athéna ne pose pas de problème car les chouettes
qui lui ressemblent, la Tengmalm et la chevêchette, ne vivent
que dans les forêts de montagne. Comme toutes les chouettes,
elle ne possède pas d'aigrettes, ce qui permet également
de la distinguer facilement du petit-duc scops, espèce
de taille similaire.
Avec sa petite taille, ses yeux aux iris jaune d'or et son plumage
brun délicatement moucheté de blanc, la chevêche
ne peut donc pas être confondue avec les autres rapaces
nocturnes fréquentant les mêmes milieux qu'elle,
à savoir l'effraie et le moyen-duc.
Comme la plupart des oiseaux nocturnes qui communiquent de façon préférentielle par la voix, la chevêche est, assez loquace. Ses nombreux et variés miaulements et cris plaintifs interrogatifs - khou-oû? , ouwick ou gvi-ou - sont audibles dès la fin de la journée et augmentent en fréquence dès que la nuit est tombée. Ces cris et chants atteignent leur paroxysme en mars-avril, lors des amours, mais retentissent toute l'année, avec une nette reprise à l'automne et un arrêt temporaire durant l'élevage des jeunes.
La présence d'un couple de chevêches dans un jardin de nature est certainement la meilleure preuve que vous jardinez en prenant soin de la nature. Cela signifie que vous n'utilisez pas ou fort peu de pesticides ou de rodenticides afin qu'elle trouve suffisamment de proies pour nourrir sa nichée, et que vous avez su préserver des arbres morts creux ou que vous avez installé un nichoir pour qu'elle y élève sa couvée. Il ne vous reste plus qu' à faire pâturer votre verger par quelques moutons qui entretiendront une herbe rase qui fera un excellent terrain de chasse pour vos chevêches.
Au même titre que les autres
rapaces nocturnes, la chouette chevêche a longtemps été
persécutée et systématiquement détruite
par l'homme dans nos pays. L'image de la chevêche accompagnant
la déesse Athéna, symbolisant la sagesse était
révolue dans les esprits de nos aïeuls depuis fort
longtemps.
Désormais intégralement protégée par
la loi, la chevêche n'a malheureusement pas su en profiter
aussi bien que d'autres espèces de rapaces dont le tir
au fusil était le facteur limitant de leur expansion démographique.
D'autres facteurs, toujours d'origine humaine mais aux conséquences
indirectes, ont perpétué le déclin inexorable
de ce rapace nocturne.
La cause la plus importante est, comme pour de nombreuses espèces
animales ou végétales, l'agriculture intensive pratiquée
depuis les années 1950. Les remembrements qui ont détruits
maints biotopes favorables - vergers, saules têtards - ont
réduits le domaine vital des chevêches, bien incapables
de se réinstaller dans d'autres milieux naturels. L'utilisation
massive de pesticides plus rémanents les uns que les autres
ont stérilisé les oiseaux reproducteurs, empêché
l'éclosion des oeufs et surtout détruits ses proies
principales à la belle saison, les insectes. En Lorraine,
à la fin du XIXème siècle, le Baron d'Hammonville
décrivait les nids de chevêches, dont les oeufs et
les poussins étaient installées sur une épaisseur
de plusieurs centimètres d'élytres d'hannetons communs.
Qu'est devenue cette proie autrefois si commune, devenue si rare
aujourd'hui que Jean-Claude Génot, dans son étude
sur la chevêche dans les Vosges du Nord n'en a retrouvé
que 9 exemplaires sur un total de près de 6000 insectes
identifiés ? Pourtant, même dans ma jeunesse qui
n'est pas encore si lointaine, je me rappelle, dans la deuxième
moitié des années 1970, de nuée de hannetons
tombant des arbres dans le parc de Vittel. Et, si l'exemple des
hannetons est frappant pour chacun d'entre nous, combien d'autres
espèces d'insectes moins bien connues du grand public ont
été conduites au bord de l'extinction ? Si les agriculteurs,
ou plutôt l'agriculture moderne, sont montrés du
doigt dans ce désastre écologique, les jardiniers
amateurs ne sont pas en reste car les tonnes de produits chimiques
déversés dans les jardins privés ont également
un impact non négligeable sur les populations d'insectes
de toutes tailles. Si vous possédez un jardin et aimez
les oiseaux, convertissez-vous rapidement au jardinage écologique
!
D'autres causes comme la circulation automobile qui tue de nombreuses
chevêches chaque année ou la chute d'oiseaux dans
les conduits de cheminée et les mortels poteaux téléphoniques
creux où, au début des années 1990, avant
que France Télécom ne les rebouche un à un,
des épaisseurs d'un mètre de cadavres d'oiseaux
cavernicoles (mésanges, chouettes,) venus visiter ces cavités
verticales, ont été relevées.
Sans le retour à une agriculture - et un jardinage - plus
respectueux de la nature, il semble illusoire de prédire
un meilleur avenir à la chevêche qui file tout droit
vers l'extinction totale en Suisse par exemple. La pose de nichoirs
appropriés, qui peut lui rendre de grands services dans
des secteurs où les cavités naturelles ont disparu,
n'a malheureusement aucun effet bénéfique sur une
population dont le déclin est programmé et restent
désespérément vides comme la centaine installée
dans le nord de la Lorraine au début des années
1990.