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La corneille noire vit en couple, même au plus fort de l'hiver, ce qui explique la précocité de sa période de reproduction. Les parades débutent sur leur territoire dès la mi-février, suivies de la construction du nid en mars-avril, en général en haut d'un grand arbre. 5 ufs en moyenne y sont pondus puis couvés pendant 17 à 21 jours. Les jeunes s'envolent un mois plus tard puis sont encore nourris 1 à 2 semaines avant d'entreprendre leur erratisme juvénile qui les mènera vers d'autres territoires. Si la majeure partie des adultes de nos pays d'Europe occidentale est considérée comme sédentaire, certains oiseaux originaires d'Europe centrale effectuent dans une faible proportion une véritable migration. Des bandes de quelques dizaines d'individus, composées en majorité de jeunes, errent dans la campagne durant la mauvaise saison. Seuls les dortoirs hivernaux arrivent à concentrer les oiseaux de tout un secteur, adultes cantonnés et jeunes en vagabondage, et atteignent parfois le millier d'individus.
S'il est difficile de préciser
si la corneille noire est notre corvidé le plus abondant,
elle est assurément le plus uniformément répandu.
En France, cette espèce est présente partout, même
en Corse où elle est représentée par sa sous-espèce,
la corneille mantelée. Il en est de même été
comme hiver en Belgique, au Luxembourg ainsi qu'en Suisse, où,
comme en France, elle est seulement absente des zones de haute
montagne.
La corneille noire est avant tout l'oiseau de la campagne et tout
particulièrement du bocage, des haies parsemées
de grands arbres et des petits bois. Par extension, elle s'est
rapidement installée dans les jardins arborés et
les parcs urbains. Si elle ne pénètre le cur des
massifs forestiers qu'à l'occasion de coupes à blanc,
elle fréquente volontiers leurs lisières, même
en montagne où elle niche jusqu'à la limite supérieure
de la forêt d'altitude.
En période internuptiale, les milieux fréquentés
sont encore plus nombreux puisqu'elle visite volontiers les labours
en compagnie des grandes bandes de freux et de choucas, ainsi
que les vasières d'étangs en vidange à la
recherche de proies inhabituelles pour elle comme les moules d'eau
douce.
La corneille noire, au même
titre que le geai des chênes et la pie bavarde, est un de
nos corvidés les plus uniformément répandus.
Elle est nettement moins grégaire, surtout en période
de reproduction, que le choucas des tours et le corbeau freux,
espèces tout aussi, si ce n'est plus, abondantes qu'elle.
La corneille noire s'observe donc en général par
couple, défendant tout au long de l'année son territoire,
n'hésitant pas à houspiller sans relâche la
buse variable ou le milan royal qui survole son domaine. Comme
chez la pie et le geai, les territoires peuvent être restreints,
renforçant l'impression d'abondance. Seuls le froid et
la faim peuvent pousser les corneilles noires à se regrouper,
principalement en hiver, autour de sources de nourriture, souvent
au sein de grandes troupes de choucas et de freux. C'est d'ailleurs
au sein de ces grands rassemblements de corvidés qu'il
faut rechercher les corneilles mantelées.
Cette territorialité extrême est un des traits de
caractère dominant chez la corneille noire et s'observe
quotidiennement : cris rauques émis depuis un perchoir
élevé pour répondre aux oiseaux voisins,
suprématie de l'oiseau dominant pour la possession des
perchoirs stratégiques, sont autant de signes de la vie
très hiérarchisée des corneilles noires.
Aujourd'hui, la nidification sur les pylônes électriques
est monnaie courante et permet à d'autres espèces
comme le faucon crécerelle et le faucon hobereau de coloniser,
en occupant les nids laissés libres par les corneilles,
des milieux agricoles où les remembrements successifs ont
détruit depuis longtemps les derniers arbres.
En bon corvidé opportuniste, la corneille noire possède un régime alimentaire des plus variés, évoluant au fil des saisons et et au gré des ressources alimentaires disponibles. Tout y passe : baies, fruits, graines, invertébrés, petits mammifères et oiseaux vivants, ufs, poussins, charognes et même les croquettes de votre chien s'il laisse sa gamelle trop longtemps sans surveillance. Cette souplesse d'adaptation de son régime alimentaire a permis à la corneille noire, comme à la plupart de nos corvidés, de profiter des bouleversements créés par l'homme en venant rechercher sa pitance au sein des vastes dépôts d'ordures ou dans les champs de maïs après la récolte. Cette adaptation leur a permis de diminuer la mortalité hivernale et donc d'augmenter considérablement leurs effectifs. Ce phénomène d'accroissement de ses populations est moins visible et plus diffus chez la corneille que chez le freux car elle ne se reproduit pas en vastes colonies.
Tous de noir vêtus, les
corvidés, geai, pie et cassenoix mis à part, constituent
une famille a priori uniforme pour le débutant. Pourtant,
les variations de taille, de plumage, de structure, de cris et
de comportements permettent une identification relativement aisée
entre les différents membres de la famille. Il faut prendre
le temps le temps d'apprendre à les distinguer et que ne
pas les qualifier systématiquement du diminutif de corb~eille,
contraction des termes corbeau et corneille !
La corneille noire possède un plumage entièrement
noir luisant, un bec et des pattes de la même couleur, ce
qui la différencie d'emblée du corbeau freux adulte
au bec gris-blanc. Sa taille est légèrement inférieure
à ce dernier mais nettement plus petite que celle du grand
corbeau qu'elle côtoie fréquemment dans les zones
de montagne. Elle s'en distingue également en vol par sa
queue carrée et non cunéiforme et au posé,
par sa silhouette nettement moins imposante et son bec moins fort.
En fait, le seul risque de confusion peut se poser avec le jeune
corbeau freux dont le bec est noir. Il faut alors beaucoup d'attention
pour les distinguer et remarquer que la corneille possède
de profil un front fuyant (nettement marqué et bombé
chez le freux) et un bec fort et busqué (long et droit
chez le freux).
En vol, la différence entre les deux espèces est
facilitée par les cris mais on peut également noter
que la queue est carrée chez la corneille et plutôt
arrondie chez le freux et que leurs façons de voler sont
légèrement différentes.
Pour l'identification de la corneille, la connaissance du comportement
est essentielle et il faut toujours retenir que les corneilles
noires sont des oiseaux essentiellement territoriaux souvent visibles
par couple ou en très petites bandes alors que les corbeaux
freux sont grégaires et vivent en grandes bandes.
Chez les corvidés, la connaissance de leurs cris, encore appelés croassements, est primordiale pour déterminer rapidement leur identité. Si le cri du grand corbeau, rauque et caverneux, et celui du choucas, plus musical, sont caractéristiques, les cris de la corneille noire et du corbeau freux sont plus délicats à distinguer. Le cri de la corneille est plus rauque alors que celui du freux est plus nasillard. La corneille est capable de bien d'autres cris, rappelant parfois le cri de vol de la grue cendrée ou des grincements dont on est toujours surpris lorsqu'on en découvre l'auteur. Comme toujours, c'est l'expérience, ici relativement facile à acquérir, qui vous permettra de les reconnaître sans pointer vos jumelles vers eux. Encore vous faudra-t-il vous forcer à apprendre et à mémoriser les vocalises de ces oiseaux noirs que trop d'ornithologues ont tendance à négliger.
La corneille noire n'a jamais
eu d'excellents rapports avec l'homme qui l'a toujours chassée
et piégée. Son goût prononcé pour les
couvées d'oiseaux n'a jamais été apprécié,
surtout lorsque cette dernière s'attaque, même si
cela reste rare, aux oiseaux de basse-cour. Pourtant, malgré
son classement comme nuisible, la corneille noire, grâce
encore une fois à son opportunisme alimentaire et à
sa méfiance extrême et justifiée envers l'homme,
se porte à merveille. Elle montre même des velléités
d'expansion dans des régions où elle était
encore considérée comme rare dix ans auparavant.
Rappelons également que le tir au nid des corvidés
est interdit par la loi car son ouvrage est fréquemment
réutilisé par d'autres rapaces, faucons hobereaux
et crécerelles, hiboux moyens-ducs, qui risqueraient de
faire les frais de cette bavure.
Si la présence de la corneille noire sur votre pelouse n'est pas un évènement majeur, elle installera son nid dans votre jardin à condition que des arbres de haut jet soient présents. Vous aurez ainsi droit à ses croassements chaque matin pour saluer le lever du jour !
© Hervé
MICHEL 2006