Épervier d'Europe femelle
(Accipiter nisus)
29.12.2004 - Vigneulles (54)
Nikon D70 + Sigma apo 170-500 mm
(photo Hervé MICHEL)
Espèce visible toute l'année
dans nos régions d'Europe de l'Ouest, l'épervier
entame sa période de reproduction relativement tard pour
un oiseau en majorité sédentaire puisque les couples
ne se forment qu'en mars-avril et que la ponte de 4 à 5
ufs n'est déposée qu'en mai. L'incubation dure 35
jours et l'envol des jeunes a lieu au bout de 4 semaines, les
jeunes étant nourris un mois supplémentaire par
leurs parents.
L'erratisme juvénile a lieu à la fin de l'été
et précède de peu la migration automnale qui nous
amène des hivernants originaires de l'Est et du Nord de
l'Europe. Les populations de montagne et du quart Nord-Est de
la France sont en partie migratrices alors que celles de l'Ouest
de la France sont sédentaires.
Autrefois très commun dans
nos pays, l'épervier d'Europe a subi une profonde diminution
de ses effectifs jusqu'au début des années 1970
avant de retrouver au bout de 20 ans une population en bonne santé
relative. Au début des années 1990, l'ensemble du
territoire français était occupé, Corse comprise.
Ainsi les régions du quart Nord-Ouest, pratiquement désertées
en 1970, ont été recolonisées en moins d'un
quart de siècle. Il en est de même en Belgique, en
Suisse ou au Luxembourg où les effectifs sont à
la hausse.
L'épervier est LE rapace du bocage, davantage que la buse
variable ou le milan royal. L'alternance de prairies, de pâtures,
de champs cultivés et de petits bois entremaillés
par un réseau de haies touffues et de boqueteaux lui convient
à merveille. C'est dans ce type de milieux qu'il peut chasser
les passereaux en longeant les haies et en fondant à l'improviste
sur une troupe de linottes ou de bruants jaunes occupés
à picorer au milieu d'un labour. La forêt, milieu
trop fermé, est évitée sauf à l'abord
des grandes coupes forestières et des landes ; seules ses
lisières peuvent abriter son aire. En montagne, il est
commun à basse et moyenne altitude mais dépasse
rarement les 1500 mètres pour y installer son nid. Dans
toutes les régions, les petits bois de conifères
ont nettement sa préférence pour le déroulement
de sa nidification.
L'épervier d'Europe ne
fait pas partie des rapaces faciles à observer, surtout
pour un débutant. Je me rappelle personnellement avoir
mis plusieurs années avant d'en identifier un en vol, mais,
du jour où j'ai mémorisé sa silhouette et
sa façon de voler, je me suis mis à l'observer partout
et très régulièrement. Néanmoins,
s'il est vrai qu'il est relativement commun, on ne peut pas dire
que l'on décide d'aller voir l'épervier. C'est lui
qui viendra à vous, passant devant vous au moment où
vous y attendrez le moins. Un autre de mes souvenirs de jeune
ornithologue me ramène en Auvergne où, lors d'une
sortie en groupe, l'animateur s'arrêta devant un superbe
paysage de buissons et de prairies et nous dit : « Je verrai
bien de l'épervier dans ce secteur» À peine
avait-il achevé sa phrase que notre petit rapace passa
en trombe au ras du sol, esquivant les quelques buissons faisant
obstacle à sa trajectoire et disparut cinq secondes plus
tard au coin d'un bois.
La mangeoire hivernale est également un superbe site d'observation
de ce rapace ornithophage. Le rassemblement de plusieurs dizaines
de mésanges, pinsons, verdiers et merles ne passe généralement
pas longtemps inaperçu et, une fois qu'il a compris le
manège de ces petits passereaux, il risque de venir tous
les jours prélever sa dîme. Surtout ne soyez pas
chagriné par cette tragédie qui se déroule
sous vos yeux car c'est la loi de nature et l'épervier
est un prédateur bien plus naturel que le chat du voisin.
Ses prélèvements concernent avant tout les oiseaux
malades et cette prédation permet d'éviter les épidémies
chez les petits oiseaux.
L'épervier d'Europe est
un petit rapace dont le régime alimentaire est composé
quasi-exclusivement d'oiseaux. Le mâle, plus petit que la
femelle, se nourrit exclusivement de petits passereaux alors que
sa compagne peut s'attaquer à des oiseaux de la taille
d'un pigeon colombin. Les mammifères sont consommés
en très petit nombre.
Lors de ses attaques, l'épervier poursuit sa victime jusqu'au
bout et il n'est pas rare de le retrouver assommer contre une
baie vitrée ou plus rarement empalé sur une branche
au cur d'un buisson qu'il a pénétré à
trop vive allure.
L'épervier d'Europe s'identifie
d'abord à son comportement et à sa silhouette en
vol. Rapace de petite taille, voire de très petite taille
pour le mâle - le mâle est un tiers plus petit que
la femelle, d'où son nom de tiercelet - , l'épervier
possède des ailes courtes et arrondies et une longue queue,
ce qui lui confère une silhouette typique. Son vol est
composé de battements rapides entrecoupés de planés.
Lorsqu'il chasse, il vole au ras du sol, épousant le moindre
relief, utilisant la moindre haie pour surprendre les passereaux.
Le faucon émerillon, hôte uniquement hivernal dans
nos régions, a le même comportement mais ses ailes
extrêmement pointues permettent de le différencier.
Lorsqu'il plane haut dans le ciel, il n'est pas toujours évident
de le différencier du faucon crécerelle dont les
ailes sont plus arrondies que l'émerillon, et surtout du
mâle d'autour des palombes dont la silhouette est plus compacte.
Le mâle d'épervier, toujours plus difficile à
observer que les femelles et les jeunes, se reconnaît à
sa poitrine blanche finement striée de rouge orangé,
à son dos et au dessus de ses ailes bleu ardoise. La femelle
et le jeune sont plutôt dans des tons de bruns, tirant davantage
sur le gris pour la première.
Silencieux une grande partie de l'année, les éperviers deviennent loquaces au moment des parades nuptiales et émettent un kieu-kieu-kieu-kieu à la tonalité proche de celle du faucon crécerelle. Les jeunes sont également très bruyants lorsqu'ils vagabondent aux abords du nid.
L'intrusion de l'épervier
dans votre jardin se fera la plupart du temps sans que vous n'ayez
pensé à l'attirer. En effet, c'est en nourrissant
les petits oiseaux en hiver que vous risquez d'avoir la visite
de ce redoutable prédateur de mésanges, de merles
et de moineaux.
Sa nidification chez vous est bien plus aléatoire sauf
si vous possédez un petit boqueteau de résineux
au fond de votre jardin et que le couple d'éperviers du
coin le trouve suffisamment à son goût.
Après avoir été
pendant des dizaines d'années pourchassé et détruit
par l'homme, l'épervier d'Europe a eu à subir dès
1950 les conséquences du développement de l'agriculture
intensive. La destruction des haies et des boqueteaux a supprimé
de nombreux biotopes favorables pour lui. L'épandage massif
de pesticides a également entraîné une stérilité
de nombreux adultes, contaminés, en tant que prédateurs
situés à l'extrémité de la chaîne
alimentaire, par les oiseaux granivores qui avaient eux-mêmes
ingéré des graines traitées.
Depuis qu'il est entièrement protégé par
la loi comme tous les rapaces et depuis l'interdiction de l'utilisation
en agriculture de pesticides hautement rémanents comme
les organochlorés, l'épervier va beaucoup mieux
et fait à nouveau partie du trio de tête des rapaces
les plus communs de nos pays, en compagnie de la buse variable
et du faucon crécerelle.
© Hervé MICHEL 2004