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L'étourneau sansonnet
est un oiseau très commun visible toute l'année dans nos pays
tempérés. Dès le mois de mars, les grandes troupes hivernales
composées d'individus migrateurs et de sédentaires s'éfilochent,
disséminant çà et là des couples de nicheurs en
petites colonies lâches dans tous les milieux favorables. C'est l'époque
des chants, ou plutôt des concours d'imitation. Le mâle qui imitera,
à l'entrée de la cavité qu'il s'est appropriée,
aussi bien le chant nuptial du loriot que le grincement d'une porte, aura le
maximum de chances de conserver sa femelle qu'il courtise déjà
depuis l'automne. Une fois le couple solidement formé, les 4 à
6 ufs de la première ponte sont déposés en avril et couvés
pendant 12 jours. Les jeunes sont ensuite nourris pendant 3 semaines. Une seconde
ponte est classiquement notée en France pour 60 % des couples. En juin,
les jeunes issus de la première couvée et les adultes ayant achevé
leur reproduction se rassemblent en bandes dans les champs et squattent déjà
les roselières d'étangs pour y passer la nuit.
Dès la mi-juillet, les adultes et l'ensemble des jeunes de l'année
de tout un secteur forment des troupes toujours plus nombreuses. En automne,
les effectifs gonflent encore considérablement avec l'arrivée
des premiers migrateurs en provenance du Nord-Est de l'Europe. Parmi nos oiseaux
nicheurs, seules les populations du Nord-Est de la France migrent et passent
la mauvaise saison dans le Sud-Ouest, dans la péninsule ibérique
et le Maghreb. Néanmoins, ils sont remplacés par d'autres migrateurs
plus nordiques si bien que l'étourneau y est également présent
toute l'année. Les oiseaux des autres régions de France sont sédentaires
et se mêlent aux hivernants étrangers et, à l'automne et
au printemps, aux migrateurs qui passent l'hiver dans la péninsule ibérique.
Au sein de ces immenses troupes d'oiseaux aux origines variées, les adultes
sédentaires entrent en pré-phase de reproduction dès le
milieu de l'hiver et leur bec jaune permet de les différencier facilement
des migrateurs dont la fonction reproductrice est déclenchée plus
tardivement.
Nicheur dans toute la France
à l'exclusion de la Corse où il n'apparaît qu'en dehors
de la période de reproduction, en Belgique, au Luxembourg et en Suisse
le sansonnet a colonisé de nombreux milieux. Pour nicher, il lui faut
à la fois des cavités, si possible dans des arbres, et des zones
dégagées, pâtures et pelouses, où il vient se nourrir.
Ceci explique pourquoi il est très commun dans les parcs publics et les
jardins, ainsi que dans les vergers, les petits bois et les lisières
de forêts. Il pénètre également à l'intérieur
des grands massifs forestiers mais sa densité y est nettement plus faible.
Sa limite altitudinale se situe vers 1500 mètres.
En période internuptiale, la liste des milieux qu'il fréquente
s'allonge considérablement. Il fréquente toujours villes et villages,
devenant un visiteur peu apprécié mais de plus en plus noté
sur les mangeoires à mésanges et dans les auges des bovins. La
nuit venue, les étourneaux se rassemblent en dortoirs de plusieurs milliers
d'individus sur des arbres en pleine ville. Les roselières d'étangs
servent également de lieux tranquilles pour dormir tandis que la campagne,
des prairies aux labours et aux chaumes de maïs, est investie durant la
journée lors de la recherche de nourriture.
L'étourneau sansonnet
faisant sans aucun problème partie des cinq espèces d'oiseaux
les plus communes de nos régions en toute saison, son observation est
des plus aisées. Pourtant l'ornithologue a facilement tendance à
négliger cet oiseau doté d'un étonnant pouvoir d'adaptation
face aux modifications opérées par l'homme.
L'observation d'une bande compacte de centaines d'individus rentrant au dortoir
est un des plus beaux spectacles que nous offre la nature. Tel un essaim d'abeilles
géantes dont la densité peut cacher l'astre solaire rougeoyant
à son coucher, le nuage d'étourneaux danse dans le ciel, s'étire
longuement pour mieux se reformer en une masse compacte virevoltant au gré
de l'humeur des oiseaux de tête. Puis, arrivé au surplomb de la
roselière ou du parc public choisi comme dortoir, le nuage se disloque
et une pluie de sansonnets s'abat en grêle dans un vacarme indescriptible.
Des envols massifs de dernière minute, alors que tout ce monde semblait
s'être installé pour la nuit, se produisent de façon explosive,
probablement liés à la visite crépusculaire de l'épervier
ou de l'autour du coin venu prélever sa dîme quotidienne.
L'étourneau sansonnet n'est guère difficile pour son alimentation. S'il préfère les larves de tipules ou d'autres insectes et les lombrics qu'il extraie des pelouses lorsqu'il les arpente de long en large au printemps, il ne dédaigne pas non plus les cerises et le raisin à la belle saison. Le maïs représente quant à lui sa principale source de nourriture hivernale. Il sait également attraper les insectes en plein vol à la manière des hirondelles, récupérer la nourriture dans les auges des bovins, exploiter les ressources disponibles dans les dépotoirs et dévaliser les mangeoires à mésanges. Bref, au vu de son régime alimentaire peu éclectique, l'étourneau sansonnet est avant tout un omnivore opportuniste.
L'étourneau sansonnet
ne devrait être confondu qu'avec son proche cousin, l'étourneau
unicolore, présent en Corse et en expansion en Languedoc-Roussillon,
et dont la quasi-absence de taches blanches sur le ventre en tout plumage est
le meilleur moyen de le différencier. Pourtant, beaucoup de personnes
débutantes le confondent régulièrement avec le merle noir
qui possède lui aussi un plumage noir et un bec jaune mais dont la grande
queue et la démarche sautillante (alors que l'étourneau marche
dans l'herbe) suffisent à éviter toute confusion au premier coup
d'oeil.
Le sansonnet possède plusieurs plumages selon son âge et la période
de l'année.
Entièrement brun lorsqu'il sort du nid, le jeune mue durant l'été
pour acquérir rapidement le plumage d'hiver des adultes. C'est une période
où l'on observe ces drôles d'oiseaux dont le ventre est déjà
noir moucheté de blanc alors que la tête qui n'a pas encore mué
est toujours brune.
En hiver, tout le monde, adultes et jeunes ont un plumage noir métallique fortement moucheté de blanc (les grives avec qui on pourrait aussi le confondre possèdent sur le ventre et la poitrine un plumage blanc moucheté de noir). Les adultes nicheurs possèdent un bec jaune en hiver puis dès février, après une nouvelle mue, les oiseaux arborent un plumage noir métallique nettement moins moucheté, aux reflets violets et verts qui accentuent la confusion avec l'étourneau unicolore. Son vol est direct et rapide et sa silhouette triangulaire typique.
Extrêmement bavard, l'étourneau sansonnet est un de nos passereau dont le registre de cris et de chants est le plus varié et le plus variable d'un individu à un autre. Si les cris et chants, sortes de babils à consonance métallique sont communs à tous les oiseaux, chaque oiseau, en fin imitateur, a tendance à reproduire les sons qu'il a enregistré depuis sa naissance. Tout y passe : chants et cris des autres oiseaux bien entendu, les plus classiques étant la buse et le loriot (tout chant de loriot entendu avant la fin avril nécessite l'observation de son auteur), les plus divers allant du coup de frein au tintement de sonnette suivant que l'oiseau a été élevé à l'intérieur d'un feu tricolore ou dans le nichoir d'un jardin. Ses talents d'imitateur sont donc largement supérieurs à ceux de l'hypolaïs polyglotte, de la rousserolle effarvatte ou du geai des chênes.
Peu d'oiseaux ont su s'adapter
aussi bien aux bouleversements créés par l'homme au cours de ces
quarante dernières années que l'étourneau sansonnet. Utilisant
les places bordées d'arbres et les parcs publics en plein cur des villes
pour y passer en nombre la nuit et maculer de fientes les véhicules stationnés
en dessous, squattant les nichoirs destinés à d'autres espèces,
fouillant les dépotoirs à la recherche de nourriture, récupérant
les graines oubliées dans les chaumes en hiver, le sansonnet a su tirer
profit de l'homme au point de créer de nombreux conflits avec lui. Nuisances
sonores et déjections au dortoir, monopolisation des mangeoires au point
d'empêcher la venue des mésanges, chapardage d'ensilage de maïs
directement dans l'auge des bovins, de cerises dans les vergers ou de grains
de raisin dans les vignes ont fait de lui un oiseau mal aimé mais dont
les populations ont fortement augmenté jusque dans les années
1980. Largement détruit dans les dortoirs à coups d'explosifs
puis de produits chimiques, l'espèce a pourtant bien résisté.
Actuellement, avec les remembrements détruisant ses sites de nidification
et la fermeture des décharges à ciel ouvert, un certain déclin
de l'espèce a été amorcé, sans pour autant mettre
en péril sa bonne santé.
Malgré sa réputation de profiteur, de gagne-petit et d'opportuniste,
l'étourneau est fort utile à l'homme, tout particulièrement
dans les jardins où il engloutit un nombre important d'insectes et d'invertébrés
durant le printemps. À un point tel que des millions de nichoirs ont
été installés pour lui jusque dans les années 1950-1960
dans l'ex-Union Soviétique pour favoriser son expansion démographique.
Même si certains occidentaux ont considéré que ces millions
d'étourneaux étaient une arme secrète utilisée pendant
la guerre froide, chargés de piller les réserves de Europe de
l'Ouest en hiver.
Si vous possédez une pelouse régulièrement tondue et des arbres offrant des cavités de taille suffisante, vous aurez régulièrement la visite de l'étourneau sansonnet dans votre jardin. Et même si vous ne souhaitez pas particulièrement sa venue, ce dernier s'invitera à la table des mésanges et occupera de force les nichoirs dont le trou d'entrée sera suffisamment large. Enfin, attendez vous à sa venue si vous possédez un cerisier dans votre verger.