C'est dans les zones de forêts
tropicales et sur les bords des grands fleuves de la moitié
sud de l'Afrique qu'il faut rechercher le faucon hobereau en hiver.
Le retour vers l'Europe a lieu après celui des hirondelles,
ses proies favorites, et les premiers oiseaux abordent nos rivages
méditerranéens dès fin mars alors que la
majorité de nos régions n'est atteinte qu'à
la fin avril, voire début mai pour les plus septentrionales.
Les couples étant la plupart du temps déjà
formés sur leurs quartiers d'hivernage, les parades nuptiales
sont brèves et ressemblent plutôt à des retrouvailles.
La ponte de 2 à 3 ufs a lieu en juin dans un vieux nid
de corneille noire situé dans la partie haute d'un arbre
ou, de plus en plus fréquemment, sur un pylône électrique.
L'incubation dure 30 jours et les jeunes restent au nid jusqu'en
août après un séjour d'une trentaine de jours.
La migration a lieu en septembre, quelques semaines après
l'envol des jeunes et rares sont les individus encore visibles
dans nos pays en octobre.
Espèce relativement discrête,
le faucon n'en est pas moins présent sur une bonne partie
du territoire des quatre pays francophones d'Europe de l'Ouest.
Il n'est abondant ni commun nulle part mais sa répartition
est globale en France avec une rareté très nette
en certaines régions comme la pointe Bretagne, la Corse,
les Alpes, une partie de la Bourgogne, peut-être à
cause d'un nombre insuffisant d'observateurs.
La difficulté de prospection est également liée
au fait que le faucon hobereau habite les milieux les plus variés
et qu'un grand nombre de couples nichent là où on
les attend pas. Si les ripisylves et les petits bois en bordure
d'étangs et de rivières sont les sites les plus
fréquentés, ce faucon est également présent
loin de l'eau, pourvu qu'il y trouve suffisamment de nourriture,
insectes et oiseaux, et d'anciens nids de corneilles pour se les
approprier. On le retrouve donc sur les arbres en bord de routes
en pleine zone de bocage, dans des zones de cultures où
il s'installera sur un pylône électrique, dans des
landes ou des régénérations forestières
et même en moyenne montagne si le paysage est suffisamment
ouvert pour qu'il y chasse et si les hirondelles sont nombreuses.
Il évite cependant la montagne au-dessus de 1000 mètres.
Comme je le mentionnais précédemment,
le faucon hobereau est un rapace avant tout discret sauf en période
d'élevage des jeunes où leurs cris à l'arrivée
d'un adulte s'entendent à plusieurs centaines de mètres
à la ronde. Fin juillet-début août est d'ailleurs
la meilleure période pour rechercher des preuves de sa
nidification mais c'est également la période où
la majeure partie d'entre nous migre vers les côtes atlantiques
ou méditerranéennes, ce qui explique l'aspect un
peu mité des cartes de répartition de cette espèce,
dont la prospection est loin d'être parfaite.
Avant que les jeunes ne sachent crier, le meilleur moyen d'observer
le faucon hobereau est de se rendre en fin de journée au
bord d'un étang et vous aurez peut-être la chance
de le voir chasser les libellules et même les hirondelles
si un dortoir existe dans la phragmitaie.
De la taille d'un petit faucon
crécerelle, le faucon hobereau ressemble à un faucon
pèlerin en miniature avec cependant des ailes plus pointues
et plus éfilées. Ses culottes oranges caractéristiques
sont visibles en vol dans de bonnes conditions de même que
ses moustaches et son masque noirs qui font ressortir ses joues
blanches.
Observé dans de bonnes conditions, l'oiseau posé
ou en vol ne prête guère à confusion sauf
avec le rare et plus grand faucon d'Éléonore sur
nos côtes méditerranéennes et avec la femelle
du faucon kobez, migrateur assez rare mais régulier dans
la moitié Est de la France et en Suisse.
Le faucon hobereau n'est guère
bavard et les seuls cris que vous pourez entendre sont ceux des
jeunes quémandant fort bruyamment de la nourriture aux
adultes lorsque ceux-ci arrivent en vue du nid avec une proie
ou ceux des adultes pourchassant un corvidé ou un autre
rapace s'étant approché trop près de leur
aire.
La protection totale dont bénéficie
le faucon hobereau à l'instar de tous les rapaces n'a pas
changé grand chose pour son avenir car cette espèce
n'a jamais trop souffert de destruction directe de la part de
l'homme. À noter cependant que l'interdiction du tir sur
les nids de corvidés n'a pu que lui être bénéfique
et doit continuer à être strictement appliquée.
Le problème qu'a rencontré le faucon hobereau est,
comme pour beaucoup d'espèces insectivores, le développement
de l'agriculture intensive et l'utilisation massive de pesticides
qui a anéanti les populations de gros insectes. Je me rappelle
d'un de mes premiers livres sur les rapaces, écrit en 1978
par les frères Terrasse, où une illustration représentait
différentes espèces de rapaces - milans noirs et
royaux, faucons hobereaux et pèlerins, - venus se nourrir
lors d'une éclosion massive de hannetons au-dessus d'une
combe jurassienne. Je n'ai jamais eu la chance d'assister à
un tel spectacle mais j'espère bien l'offrir un jour à
mes enfants. Pour cela il est de notre ressort de faire prendre
conscience à nos hommes politiques que l'agriculture est
entrée dans une spirale infernale dont la santé
de l'homme risque d'être la prochaine victime. La vache
folle, si elle n'est pas enterrée trop vite, aura, espérons-le,
été le détonateur d'un retour vers une agriculture
plus respectueuse de l'environnement.