Le faucon pèlerin est un
rapace présent durant toute l'année dans nos pays
d'Europe occidentale même si les brassages et les mouvements
de populations entre nicheurs, migrateurs et hivernants sont multiples
et complexes.
Nos faucons pèlerins nicheurs sont sédentaires ou
plus ou moins erratiques pour les couples nicheurs des Vosges
et du Jura. L'aire est fréquentée avec davantage
d'assiduité dès le mois de février, période
d'intense activité amoureuse. La ponte de 3 à 4
ufs est déposée à la fin de ce mois pour
les couples les plus méridionaux, à début
avril pour les plus tardifs. L'incubation dure 1 mois et l'envol
des jeunes a lieu 1 mois et demi plus tard.
L'erratisme des jeunes et la transhumance des adultes vers des
secteurs de plaine et du littoral est observé en fin d'été,
période où les oiseaux migrateurs du nord de l'Europe
traversent nos pays ou viennent s'installer dans leurs quartiers
d'hivernage.
Le faucon pèlerin a longtemps
été considéré comme un nicheur rare
en Europe occidentale et il est vrai que nos populations nicheuses
étaient toutes en fort déclin au début des
années 1970. Depuis, une nette recolonisation des sites
a été entamée et notre pèlerin retrouve
des populations aussi bien portante que dans les années
1940.
Le faucon pèlerin niche en France, principalement au sud-est
d'une ligne Bayonne-Metz avec d'importantes populations dans tous
les massifs montagneux, y compris de Corse. Des régions
de plaine comme la Bourgogne où il niche dans d'anciennes
carrières ou des zones littorales comme les calanques de
Marseille sont de nouveau habitées. À l'ouest de
cette ligne, les falaises normandes ont été également
recolonisées au milieu des années 1990 et un couple
niche dans un nichoir installé sur le réacteur d'une
centrale nucléaire dans le nord de la Lorraine ! Le milieu
où le pèlerin installe son aire est en général
une falaise dominant une vallée.
En hiver, sa distribution est différente et la plupart
des sites de reproduction de montagne sont délaissés
au profit de zones de plaine. Les grands plans d'eau comme les
lacs champenois et les étangs lorrains sont visités
par quelques individus mais ce sont surtout les zones littorales
qui attirent la majorité des hivernants. L'espèce
peut également apparaître çà et là
en pleine campagne et les oiseaux nicheurs du sud de la France
restent en général sur leur territoire tout au long
de l'année.
L'idéal pour observer le
faucon pèlerin dans de bonnes conditions est de contacter
la LPO pour être intégré à une équipe
de surveillants bénévoles d'une aire de ce rapace.
En restant quelques jours, vous deviendrez ainsi incollable sur
son comportement en période de reproduction et en profiterez
pour découvrir la nature des alentours de la falaise où
il aura élu domicile.
En montagne, dans les gorges des vallées ou sur les grands
lacs de plaine, il faut le rechercher sur les promontoires, arbres,
rochers ou même château, d'où il domine ses
territoires de chasse. L'abbaye du Mont-Saint-Michel est le plus
prestigieux mais n'est occupée qu'en hiver. Sur le lac
du Der-Chantecoq en Champagne, les pèlerins se postent
sur des souches d'arbres et guettent les déplacements des
vanneaux huppés et des mouettes rieuses.
Avec sa taille nettement supérieure
au faucon crécerelle, le faucon pèlerin fait partie
des grands faucons dont il est le seul représentant dans
nos régions puisque les faucons gerfaut, lanier et sacre
ne sont qu'accidentels en Europe de l'Est. La différenciation
avec ces derniers est d'ailleurs souvent délicate.
En vol, le pèlerin présente une silhouette massive
aux ailes pointues, nettement plus compacte que les petits faucons
aux ailes plus effilées et à la queue plus longue.
La femelle est toujours un tiers plus grosse que le mâle
et cette différence de taille se retrouve parmi leurs proies,
le mâle s'attaquant plus volontiers aux étourneaux
alors que la femelle peut s'emparer d'un pigeon ramier.
Posé, ses moustaches et sa calotte noires bien visibles,
son dos gris ardoise, son ventre blanc finement strié transversalement
de noir et surtout sa taille imposante le distinguent des autres
faucons. Le pèlerin immature est plutôt dans les
tons marrons, avec le ventre strié longitudinalement et
les serres et la base du bec bleues alors qu'elles sont jaune
chez l'adulte.
Silencieux une bonne partie de l'année, le faucon pèlerin émet de nombreux cris typiques des faucons, uniquement durant la période reproduction et aux abords de l'aire.
La cohabitation entre le faucon
pèlerin et l'homme n'a jamais été bénéfique
au premier. Adulé depuis le Moyen-Âge mais largement
désairé par les seigneurs pour les besoins de la
fauconnerie, ensuite largement détruit à coups de
fusils car il était considéré comme un nuisible
détruisant le gibier, empoisonné par les pesticides
les plus rémanents, le faucon pèlerin a failli ne
pas voir le XIXème siècle tant sa situation était
critique au début des années 1970 en Europe de l'Ouest.
À cette époque, le faucon pèlerin comptait
à peu près 150 à 200 couples dans l'hexagone
contre près d'un millier au milieu des années 1940.
Sa protection totale par la loi lui permit déjà
de voir les causes de sa destruction directe s'amenuiser même
si des fauconniers, pour la plupart étrangers, continuaient
à piller les aires françaises et suisses pour revendre
à prix d'or les jeunes faucons aux émirs arabes.
La surveillance, 24 heures sur 24, des aires connues par les bénévoles
du Fonds d'Intervention pour les Rapaces (FIR) et de la LPO, a
permis de laisser mener à terme les couvées de nombreux
couples. L'interdiction de l'utilisation de tous les insecticides
rémanents, et tout particulièrement du trop fameux
DDT, qui intoxiquait et stérilisait les faucons pèlerins
situés en bout de chaîne alimentaire, a également
eu des effets bénéfiques sur le renouveau de cette
espèce.
L'augmentation du nombre de couples nicheurs a débuté
à la fin des années 1970 et ne cesse de s'amplifier
depuis lors, au point que les faucons pèlerins quittent
leurs refuges montagnards et essaiment en plaine ou recolonisent
d'anciens sites comme les falaises maritimes normandes ou méditerranéennes.
650 couples minimum étaient répertoriés à
la fin des années 1980.
Aujourd'hui, si le troisième millénaire ouvre grand
ses portes au faucon pèlerin, de nouvelles ou plutôt
d'anciennes menaces resurgissent. Les campagnes anti-rapaces
menées au milieu des années 1990 par certains chasseurs
et surtout l'action des colombophiles qui, ne supportant plus
de voir leurs pigeons voyageurs prélevés par le
pèlerin, sont venus tout simplement piller les ufs et les
remplacer par des ufs factices. Quand on sait par ailleurs que
les fauconniers, et tout particulièrement les allemands,
n'attendent que les naturalistes relâchent leur surveillance
pour revenir piller les nids, même si sa situation s'est
nettement améliorée, l'avenir n'est pas encore au
beau fixe pour le faucon pèlerin.